J.O. 88 du 14 avril 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis sur le mouvement des tarifs gaziers à souscription au 1er avril 2004


NOR : INDI0402784V



Conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, le 22 mars 2004, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et la ministre déléguée à l'industrie d'un projet de baisse des tarifs gaziers à souscription au 1er avril 2004. Cette baisse est liée, pour l'essentiel, à celle du prix du gaz importé en France dans le cadre des contrats à long terme.

Sont concernés les tarifs STS et S2S de Gaz de France, ainsi que les tarifs en extinction rattachés à ceux-ci, les tarifs H et S (en extinction) de la Compagnie française du méthane, les tarifs R, F, M, B2 (en extinction) et PC (en extinction) de Gaz du Sud-Ouest, et le tarif SMS de Gaz de Bordeaux.



1. Le mouvement tarifaire du 1er avril 2004


Le mouvement tarifaire proposé par les opérateurs gaziers est le suivant :

- pour tous les tarifs à souscription, sauf le tarif H de CFM :

- baisse de 0,75 EUR/MWh du prix proportionnel d'été ;

- baisse de 0,35 EUR/MWh du prix proportionnel d'hiver ;

- pour le tarif H de CFM :

- baisse de 0,55 EUR/MWh du prix proportionnel (ce tarif n'est pas saisonnalisé).

Cette baisse est la résultante de deux évolutions :

- une réévaluation du prix implicite de la modulation dans les tarifs à souscription, se traduisant par une hausse de 0,4 EUR/MWh du prix proportionnel d'hiver, sauf pour le tarif H de CFM, non saisonnalisé, pour lequel elle se traduit par une hausse du prix proportionnel de 0,2 EUR/MWh ;

- une baisse de 0,75 EUR/MWh des prix proportionnels, résultant de l'application de la formule d'évolution trimestrielle des prix du gaz importé par Gaz de France, fondée sur la variation des prix du fioul lourd, du fioul domestique et du taux de change dollar/euro.


2. Observations de la CRE

2.1. Applications de la formule tarifaire


La CRE a vérifié que l'application stricte de la formule tarifaire conduit bien à une baisse de la part proportionnelle des tarifs de 0,75 EUR/MWh, soit environ 5 % pour les clients raccordés à un réseau de transport et environ 3,5 % pour les clients raccordés à un réseau de distribution.


2.2. Augmentation du prix de la modulation


La notion de modulation caractérise la saisonnalité de la consommation de gaz d'un client final. Le prix de la modulation n'apparaît pas explicitement dans les tarifs à souscription, mais il peut être approché en calculant la différence, pour une même consommation annuelle, entre les prix payés par un client ayant une consommation forte en saison d'hiver et un client à consommation régulière sur l'année.

Ce prix implicite de la modulation dans les tarifs à souscription a déjà été augmenté lors du mouvement tarifaire du 1er juillet 2003. Il est, toutefois, encore inférieur au prix du service commercial de modulation offert aux expéditeurs alimentant des clients éligibles, lui-même établi au départ en fonction des prix de marché de la modulation au Royaume-Uni et à Zeebrugge. Le mouvement proposé, consistant à augmenter l'écart entre le prix proportionnel d'hiver et le prix proportionnel d'été de 0,4 EUR/MWh, permet de porter ce différentiel à 2,9 EUR/MWh, ce qui est proche de l'écart moyen entre les prix du gaz en hiver et en été constaté ces dernières années sur le marché européen, de l'ordre de 3 EUR/MWh.

Une augmentation du prix implicite de la modulation dans les tarifs à souscription, de l'ordre de 0,4 EUR/MWh, apparaît donc justifiée.


2.3. Modalités proposées

pour l'augmentation du prix de la modulation


L'augmentation du prix de la modulation pourrait, a priori, se traduire uniquement par une modification de la structure des tarifs, à revenu constant pour les opérateurs. Il s'agit d'augmenter l'écart entre les prix proportionnels d'hiver et d'été, ce qui pourrait se faire par une hausse du prix proportionnel d'hiver et une baisse simultanée du prix proportionnel d'été.

Le mouvement tarifaire proposé, au contraire, prévoit une hausse du prix d'hiver, sans baisse du prix d'été. Le niveau moyen du tarif et le revenu des opérateurs s'en trouvant augmentés, il ne s'agit pas d'un simple mouvement en structure.

Un client, dont le profil de consommation est totalement plat, voit ainsi son tarif diminuer moins que prévu par la stricte application de la formule, soit une baisse de prix de 0,57 EUR/MWh au lieu de 0,75 EUR/MWh, alors qu'il ne fait appel à aucun service de modulation.

En ce qui concerne le tarif H de CFM, non saisonnalisé, la baisse proposée de 0,55 EUR/MWh s'analyse comme une hausse relative en niveau de 0,2 EUR/MWh par rapport à la formule tarifaire, de façon à s'aligner sur le mouvement de Gaz de France.

Par rapport à la stricte application de la formule tarifaire, le mouvement proposé conduit à une réduction de la baisse moyenne, qui passe d'environ 5 % à 3,5 % pour les clients raccordés à un réseau de transport et d'environ 3,5 % à 2,5 % pour les clients raccordés à un réseau de distribution.


2.4. Evolution des tarifs à souscription

dans le contexte de l'ouverture du marché


Cette réduction de la baisse est justifiée par les opérateurs par la nécessité de couvrir leurs coûts, sans que des éléments quantitatifs détaillés aient été transmis. Elle doit être analysée dans le contexte de l'ouverture du marché à l'ensemble des consommateurs professionnels.

Les tarifs réglementés doivent refléter la réalité des coûts. Un niveau trop bas empêcherait ou freinerait le développement d'offres concurrentielles et l'arrivée de nouveaux entrants. Il générerait des pertes pour les opérateurs historiques.


Or, la structure actuelle des tarifs à souscription ne reflète pas celle qui ressort des coûts, notamment de l'application des tarifs d'utilisation des réseaux. En effet, les premiers font l'objet d'une péréquation géographique sur le réseau de transport principal, alors que les seconds ne le font pas. En outre, les tarifs d'accès actuels aux réseaux de transport et de distribution sont ceux qui ont été mis en place, à titre provisoire, par les opérateurs historiques ; ils devront être remplacés par ceux qui ont fait l'objet de propositions de la CRE en juillet et décembre 2003, lorsque les ministres concernés auront arrêté leurs décisions.

Les tarifs à souscription sont donc trop élevés pour certains clients et trop bas pour d'autres, par rapport aux coûts.

Les clients pour lesquels le marché peut offrir de meilleures conditions, qui sont ceux qui génèrent les coûts les plus faibles, ont tendance à quitter les tarifs réglementés. Cet effet est déjà constaté puisque 30 % environ, en volume, des anciens clients des tarifs STS et S2S de Gaz de France ont déjà quitté ces tarifs. Il en est de même pour la Compagnie française du méthane et Gaz du Sud-Ouest.

Les clients qui conservent les tarifs à souscription génèrent des coûts supérieurs à la moyenne. Pour continuer à refléter les coûts, le niveau des tarifs à souscription devrait ainsi être mis à niveau au fur et à mesure de la progression de l'ouverture du marché du gaz.

Une telle évolution est légitime, à une double condition : d'abord que les coûts puissent être effectivement détaillés et analysés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, la CRE n'ayant pu avoir accès à toutes les informations nécessaires, ensuite qu'il existe une réelle pression concurrentielle sur tout le territoire national.

En effet, le raisonnement précédent n'est valable que si les clients ont la possibilité effective de faire jouer la concurrence et de sortir des tarifs réglementés.

Or, cette condition n'est pas remplie aujourd'hui dans la moitié sud du territoire national, où la concurrence est inexistante, essentiellement parce qu'il n'y a pas de gaz disponible et compétitif pour les nouveaux entrants. En effet, le seul gaz concurrentiel disponible aujourd'hui est celui qui provient de la mer du Nord. Il n'est pas suffisamment compétitif pour permettre le développement de la concurrence dans le Sud.

Il est nécessaire que cette situation change rapidement, faute de quoi toute hausse ultérieure des tarifs réglementés serait injustifiée, notamment pour les clients n'ayant pas accès à une offre concurrentielle.

La CRE considère qu'au 30 juin 2004, veille de l'ouverture complète du marché professionnel, un autre mouvement des tarifs à souscription devra être réalisé pour les aligner à cette date sur les coûts : coûts d'importation du gaz, de transport, de distribution, d'accès au stockage et de commercialisation. La CRE demande aux opérateurs de lui transmettre, en temps utile, toutes les informations nécessaires à cet exercice.

En outre, la CRE estime indispensable que des mesures permettant de développer la concurrence dans le Sud soient prises sans délai.


2.5. L'échéance du 1er juillet 2004


L'article 4 de la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003 prévoit que « Lorqu'un client éligible n'exerce pas, pour un site, le droit de se fournir auprès d'un fournisseur de son choix (...) ses clauses tarifaires se voient, le cas échéant, appliquer les mêmes évolutions que celles applicables aux tarifs de vente de gaz aux clients non éligibles ».

Cette disposition risque de soulever des difficultés techniques à partir du 1er juillet 2004, lorsque tous les clients des tarifs à souscription seront éligibles, car les modalités d'évolution des tarifs domestiques ne sont pas adaptées aux clients des tarifs à souscription, qu'il s'agisse de la périodicité ou du mode d'indexation. En outre, toute possibilité de faire évoluer la structure ou le niveau des tarifs à souscription risque de disparaître.

Par ailleurs, l'incertitude actuelle sur l'évolution de ces tarifs après le 1er juillet 2004 pèse sur les choix des consommateurs éligibles et futurs éligibles.

De même, l'évolution des tarifs de vente aux distributeurs non nationalisés et le régime applicable aux nouveaux consommateurs de gaz après le 1er juillet 2004 ne sont pas connus.

La CRE souhaite que les pouvoirs publics précisent, dès que possible, le futur cadre d'évolution des tarifs à souscription.


3. Conclusion et avis de la CRE


La CRE a vérifié l'application de la formule tarifaire, qui conduit à une baisse de 0,75 EUR/MWh au 1er avril 2004 de la part proportionnelle des tarifs à souscription.

A l'occasion de ce mouvement, la CRE approuve le principe d'une augmentation du prix implicite de la modulation de 0,4 EUR/MWh, pour la mettre au niveau actuel des offres de modulation existant sur les marchés.

Elle constate cependant que les modalités proposées, que les opérateurs justifient par des contraintes techniques, ont pour résultat une moindre baisse en niveau moyen que celle résultant de l'application de la formule tarifaire.

Elle juge nécessaire un nouveau mouvement des tarifs à souscription au 30 juin 2004, veille de l'ouverture complète du marché professionnel, de façon à ajuster correctement le niveau moyen de ces tarifs par rapport à l'évolution des coûts, A cette date, en particulier, les conditions d'accès des tiers aux stockages auront été publiées par les opérateurs, en attendant que la transposition en droit français de la seconde directive gaz soit intervenue. La hausse relative résultant des modalités d'application de la réévaluation de la modulation au 1er avril 2004 pourra alors être remise en cause, si elle s'avère injustifiée.

Elle relève que l'absence de gaz disponible et compétitif dans le Sud, pour de nouveaux entrants, empêche le développement de la concurrence dans cette zone.

La CRE estime donc indispensable que des mesures de remise de gaz sur le marché, dans le sud de la France, soient prises sans délai par les opérateurs historiques.

Fait à Paris, le 25 mars 2004.



Pour la commission :

Le président,

J. Syrota